Ce que Florent Menegaux nous apprend sur l’innovation (et la galère) en temps de transition

L’autre jour, je suis tombé sur une prise de parole de Florent Menegaux, président de Michelin, devant la Commission des affaires économiques. Une intervention dense, sans langue de bois, qui m’a franchement marqué.

Pourquoi j’en parle ici, sur un blog orienté auto et entrepreneuriat ? Parce que ce genre de témoignage éclaire brutalement les réalités du terrain industriel — et par ricochet, les enjeux très concrets qu’on retrouve aussi dans nos projets digitaux, nos boîtes, et notre quotidien de pros du secteur.

Michelin, ce n’est pas "juste des pneus"

C’est 132 000 salariés, 121 sites dans 26 pays, et une présence clé dans toute la chaîne de valeur automobile. C’est aussi une entreprise en pleine turbulence. COVID, guerre en Ukraine, inflation énergétique : Menegaux ne cache rien. Fermetures d’usines (Cholet, Vannes), pression sur les marges, et une transition vers l’électrique qui ne produit pas (encore) les résultats espérés.

Le coup de massue ? Produire en France coûte, selon lui, 191 % plus cher qu’en Asie. Autant dire que rester compétitif devient un sport extrême.

Une transition pas si verte, pas si simple

La conversion à l’électrique, censée ouvrir un nouvel âge d’or, se révèle plus complexe. Moins de pièces mécaniques = moins de pneus à forte valeur ajoutée. Résultat : baisse de demande, baisse de rentabilité sur certaines lignes produits.

Et pendant ce temps-là, les concurrents chinois et coréens accélèrent, produisent plus vite, moins cher, avec des soutiens d’État solides. On le sent bien : l’Europe est à la croisée des chemins.

Innover ou disparaître

Mais Michelin ne baisse pas les bras. Ils investissent en R&D : hydrogène, cuisson électrique des pneus, nouvelles batteries… Une stratégie d’adaptation plus que de rupture. C’est pas flashy, c’est pas "start-up nation", mais c’est du solide.

Perso, j’y vois une belle leçon de résilience entrepreneuriale. L’innovation, ici, ce n’est pas un pitch à la Bpifrance. C’est une réponse à des contraintes dures : coûts de l’énergie, normes instables, difficultés de recrutement, désindustrialisation.

La régulation : cauchemar bien réel

Menegaux tape aussi là où ça fait mal : l’overdose réglementaire. Trop de normes, mal coordonnées, qui évoluent trop vite. Un jour on subventionne l’hydrogène, le lendemain c’est tout pour le lithium. Résultat ? Impossible de planifier. Et franchement, qui n’a jamais galéré avec des projets bloqués par une norme mal ficelée ou des directives mal alignées ?

L’humain, le vrai défi

Autre point fort de son discours : la crise de la formation, notamment en mathématiques. Une carence de fond qui menace tout l’écosystème tech et industriel. Chez Michelin, ils misent sur la reconversion, les filières locales, la montée en compétences.

Et là, c’est plus qu’une stratégie RH : c’est un choix politique d’entreprise. Investir sur les territoires, même en période de vaches maigres. Une vision long terme rare, et franchement inspirante.

Ce que je retiens, en tant qu’entrepreneur du digital auto

J’ai beau bosser dans un univers plus "léger" que celui de Michelin, les messages résonnent fort :

• L’innovation, c’est pas une déclaration d’intention. C’est un travail lent, structuré, souvent invisible.

• La compétitivité est systémique. Produit, fiscalité, énergie, talent, tout est lié.

• Le contexte global est incontournable. Si tu ignores ce qui se passe en Asie ou à Bruxelles, tu construis sur du sable.

• La réglementation doit être un levier, pas un piège. Et si elle bloque la vision, il faut la challenger.

En conclusion

Écouter un capitaine d’industrie parler sans filtre, ça remet les idées en place. On est tous, à notre échelle, en train de piloter des projets dans un monde instable. Michelin a 100 000 personnes à faire avancer. Nous, parfois quelques clients ou une petite équipe. Mais la logique reste la même : s’adapter vite, garder le cap, et miser sur l’humain autant que sur la techno.

Et si tu bosses dans l’auto, que ce soit en courtage, en gestion de flotte ou en digitalisation, c’est exactement ce genre de lucidité dont on a besoin pour construire solide.